La Cité

Depuis toute petite, lorsque je passais dans ce quartier, devant cette cathédrale, imposante, resplendissante de beauté, dans ces ruelles parfois étroites, aux pavés tordus et mal taillés, je ne pouvais empêcher de laisser voguer mon esprit dans des pensées lointaines.

Oui, je m'imaginais avoir vécu à cette époque où la vieille ville de Lausanne n'était pas encore vieille, où les dames se balladaient en robe à crinolines, chapeaux larges et parapluies de cotons pour se protéger du soleil, à l'époque, pas si brûlant que ça.

Là, à côté de cette fontaine, je m'imaginais avec un seau, prendre de l'eau pour l'utiliser dans mon château à deux pas d'ici. Ou bien là, dans ce parc aux mille et une fleur, je m'imaginais cueillir un beau bouquet pour décorer une chambre déjà bien riche en décorations de l'époque.

Ca me faisait rêver. Ca me faisait sourire discrètement, en regardant au loin la tour de ce château ou bien le clocher de cette cathédrale. Ca me faisait du bien.Aujourd'hui, j'y passe devant tous les jours. Ouais, aujourd'hui j'y vis 8 heures 18 par jour et 42 heures par semaine. Aujourd'hui je travaille ici, en face de ce château à l'histoire aussi vaste que ses longs couloirs, à côté de cette cathédrale aussi belle qu'elle était au premier jour...Aujourd'hui encore je me surprends à rêver, lorsque sonne le carillon de 7 heures, la tête sortie par le fenêtre, les oreilles tendues, à écouter ces sons qui eux aussi ont une histoire, et à regarder ces lampdaires en fer forgés, vieillis par le temps. Et lorsque je passe à côté de cette cathédrale, je me surprends à toucher du bout des doigts, caressants, un petit bout de pierre d'argile, et penser à toutes les dames en crinolines qui ont pu la toucher aussi, jouant à cache-cache avec leur amoureux, sans quitter des mains leurs parapluies de cotons...

Aujourd'hui encore, ça me fait sourire discrètement, et j'espère encore pour aussi longtemps que La Cité existera.